Je fais mine de ne pas avoir remarqué qu’il s’est approché de quelques pas. Dans mon dos. Pour garder le fil de ce que j’ai à dire. Je ne dois pas me laisser troubler. Je dois aller au bout. C’est trop tard maintenant. Quitte à m’écraser désormais contre ce mur, que je le fasse moi-même. Que j’achève cette destruction par mes propres moyens.
- C’est depuis qu’il est parti que j’ai peu à peu commencé à perdre la mémoire des choses et des gens. C’est une protection. Oublier me permet de croire que je vais aussi l’oublier. Lui. Que j’arriverai à vivre le reste de ma vie sans jamais avoir la réponse à cette foutue question que je traine comme un poids depuis dix-sept ans. Pourquoi ?
Il n’y a que de la souffrance dans le fait de s’attacher aux gens. On les perd. On est malheureux. Alors non, je ne m’attache pas. Je prends, comme ça vient. Et je passe à autre chose. Je tire un trait sur le passé. Et il n’y a rien quand je me retourne. J’avance toujours les talons au dessus d’un gouffre béant. Prête à tomber. Et j’évite autant que possible de me retourner.
- Tu te rappelles pourtant de Morgane et d’Azra, puisque tu es là aujourd’hui.
Il a posé sa main sur mon épaule. Sans cérémonie. Sans se forcer. Très légèrement. Comme on dépose une plume ou un baiser innocent. Ce contact inattendu produit sur moi un effet bénéfique. Incapable encore d’affronter son regard, je sens un fluide se répandre dans tout mon corps. Il m’apaise. Et sa main me rassure à travers la légère pression qu’il donne à ses doigts.
Alors j’ai achevé ma confession.
Je suis calmée, je peux donc en venir aux aveux.
- Uniquement parce que tu es dans ces souvenirs là. Uniquement parce que tu es là, Coriolan. Ma mémoire n’est construite qu’au travers des souvenirs que j’ai de toi. Et si je me rappelle des personnes autour c’est parce que tu apparais à un moment au milieu de cette foule anonyme qui m’habite en permanence.
Il a retiré sa main. Il a certainement eu peur. Moi aussi j’aurais eu peur. Il doit me prendre pour une folle. Une malade. Et c’est surement ce dont j’ai eu l’air toute ma vie à ses yeux.
Cruel destin de Cassandre : voir la vérité et n’être jamais crue. Lucia avait raison. Le seul homme que je reconnaitrais toujours sera l’homme de ma vie. Et j’admets enfin que Coriolan Galen était le seul homme que je n’avais jamais cessé de reconnaitre. J’admets enfin la possibilité que je puisse en être amoureuse. Depuis douze ans. Je finirais par briser la malédiction. Je finirais par me croire moi-même. Il ne me reste plus qu’à le mettre en mots, pour affirmer enfin l’existence de cette vérité que j’accepte doucement.
- Tu es le seul que je suis capable de reconnaitre, Coriolan. Je t’ai toujours reconnu. Partout. En n’importe quel lieu, en n’importe quelle circonstance. Même si c’était fugitivement de l’autre côté d’un trottoir. Mais Cassandre est destinée à la solitude, et il a fallu que tu me détestes.
- Je ne te déteste pas.
J’avais fini. Je me suis retournée. J’ai eu le courage de relever la tête et d’affronter son visage. Il me parait plus doux, moins froid que d’habitude. Presque tendre dans son regard. Et quand il essuya la larme que je n’avais pas sentie rouler sur ma joue, j’ai cru voir un sourire se dessiner brièvement sur ses lèvres. Pas de l’espèce qu’il donnait aux autres, pas de ceux légers ou mondains dont il avait gratifié l’assemblée aujourd’hui. Non, un sourire d’une autre nature. Un sourire qui me fit entrevoir l’espace d’un instant la cicatrice profonde d’une blessure. Un sourire qui me disait « je te comprends ».
J’aurais voulu que sa main s’attarde éternellement sur ma peau. Mais le geste resta aussi fugace que son sourire. Et quand il la laissa retomber le long de son corps, je me retrouvais une fois de plus à la case départ.
- Je vais aller me rafraîchir un peu.
- D’accord. Je te retrouve à l’intérieur.
Coriolan aurait-il laisser tomber sa carapace le temps d'un moment intime avec Cassie ? La scène est magnifique et très bien écrite !
RépondreSupprimerC'est trop émouvant T__T
RépondreSupprimerj'en ai la gorge serrée...
RépondreSupprimerRoooh faut qu'il arrête de souffler le chaud et le froid, là!!! Corio!!!!
RépondreSupprimerElle est étrange son histoire à Cassandre...
RépondreSupprimerMAIS PUTAIN QUAND EST-CE QU'ILS S'EMBRASSENT ?!? *en peut plus* Ils vont me rendre barje ces deux là ! Heureusement que les Suédois sont plus direct !
RépondreSupprimerLink !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! arréteuh de me donner envi de pleurer ! honte à toi !
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